samedi 1 décembre 2012

Le chic corridor de l'Hôtel-Dieu...texter pour ne pas pleurer

C'est tellement calme dans la maison. Mon chum est parti souper au resto avec les enfants et moi, je me suis mis sur mon trente-six pour le souper de Noël du travail. Je me guidoune depuis 15h30 alors là je suis prête 1 heure d'avance. Aujourd'hui je vais mieux dans ma tête, dans mon corps, dans mon âme... je me remets tranquillement de mon cauchemar d'hier

Hier, je suis allée à l'hôpital Hôtel-Dieu de Montréal rencontrer l'ORL spécialiste en reconstruction faciale. J'étais, malgré un mal de tête flottant, assez de bonne humeur. Un rendez-vous parmis tant d'autres.

Rendu au département, je me suis enregistrée au comptoir et mon chum et moi sommes allés prendre place dans le chic corridor qui est tout sauf joyeux ! J'espère que lorsque le nouveau CHUM va ouvrir ses portes...j'ose espérer qu'ils vont mettre le feu à cet horreur. Pour faire changement, j'attends sagement qu'on nomme mon nom au micro et qu'est-ce qu'on fait pendant tout ce temps, on observe les gens assis en bordure des murs. Et là ça m'a rentré dedans comme un dix roues...je peux pas expliquer ça, y'a pas de mot, pas d'image. En une fraction de seconde, un simple regard, je me suis sentie envahi par une peine que je ne voulais pas vivre pantouttte, pas là dans un vulgaire corridor !

J'ai tout essayé, chanter dans ma tête, supplier mon chum de me faire rire, promenade dans l'antichambre de l'horreur en lisant tous les papiers, pancartes et posters sur les murs. Puis j'ai pensé à mon cellulaire et j'ai texté mes amies au travail en espérant me changer les idées... et chaque fois que je pesais sur le piton "envoyer" , chaque fois j'espérais que mon cellulaire vibre dans la seconde qui suit afin de combler le vide qui se remplissait de ma grosse peine. J'avais l'impression de me battre avec moi-même en sachant que je ne gagnerais pas. J'essuie une larme, il en sort trois, ça déborde et je veux pas mais mon corps ne m'écoute pas. Je panique.



Pourquoi autant de peine ? Assise dans le département d'ORL, j'ai vu un homme opéré pour le même genre de cancer que moi et celui-ci avait l'espèce de trompe d'éléphant dans la face...en plein ce que j'avais vu sur internet et que je me disais : faudrait tellement pas que ça m'arrive. Puis j'ai vu une femme avec la même trompe dans le front, puis une autre...j'ai capoté. Je ne m'attendais pas à ça ce matin, j'pensais voir des cas d'otite pis d'amygdalyte purulente...pas juste des cas de cancer. Pis surtout pas autant de trompettes !

 Le 14 décembre, on va m'enlever le cancer et le 17 décembre, je vais avoir la reconstruction. Une des possibilités concernant la greffe de peau est qu'on prenne un lambeau de peau de la largeur de 2 doigts de la racine des cheveux jusqu'au début du nez à la jonction entre les 2 sourcils et ensuite, qu'on rabaisse cette peau sur le nez pour le recouvrir complètement. Donc en plein milieu du front, je peux me retrouver avec une grande cicatrice verticale et le nez recouvert de la peau du front. Un genre de flip-flop de peau du front. Mais avant de recoudre cette peau-là sur le nez, le chirurgien va fixer un bout de ce lambeau au bout du nez et laisser l'autre extrémité attaché par le sourcil afin de permettre que la circulation sanguine se fasse dans le lambeau. 3 à 4 semaines plus tard,cette trompe d'éléphant est coupée et greffée au nez complétement puisque les vaisseaux sanguins se sont reconstruits.

Je ne m'attendais pas à voir autant de patient avec cette technique d'horreur-là. On a beau te dire que les résultats sont super beau après 1 an, y'a toujours ben 12 mois à traverser. On a beau me dire que je vais peut-être m'en tirer sans lambeau, j'ai vu ma lésion, je la vois cinquante fois par jour et je sais que les chances sont là et pas mal là à part ça.

J'voulais pas les regarder mais c'était plus fort que moi, le mal était déjà fait. On dirait que ce jour-là, c'était sa clinique des reconstructions de face, alors j'avais sous les yeux ma réalité. J'ai fini par me lever pour aller me cacher dans les toilettes. Inspire le calme, expire le stress, inspire le calme, expire le stressssss...ma technique de relaxation marche pas...je suis en train de me noyer dans mes larmes. Au lieu de texter, j'ai décidé d'appeler mon amie Jennifer en direct de la salle des toilettes !!! J'avais juste besoin de me faire dire...ça va bien aller...c'est tout. Même rien...juste être là au bout du fil et sentir qu'elle comprend ma peine. Juste ça....toute ça...Un p'tit 2 minutes qui a tout changé. Le sentiment de panique a fini par passé. Un cellulaire et une amie, ça vaut toutes les pilules contre le stress ! Pis le meilleur anti-dépresseur, c'est une Annie qui me texte des niaiseries du genre :
" Pfffffffffffff... vive le vent, vive le vent, vive le vent d'mes fesses " ..... tu peux pas pleurer après avoir lu ça dans un corridor de l'horreur, c'est le genre de niaiserie qui nous fait mourir de rire quand on travaille ensemble,,,faut être là pour comprendre !!!



Bref, j'ai fini par sortir de ma tanière et finalement, mon nom a été appelé au micro comme une lettre au bingo...bingo, c'est moi, j'arrive...

Le doc a été adorable, tellement gentil, j'ai vraiment une bonne étoile ... c'est tellement ironique de dire ça .... mettons que la bonne étoile est bonne de temps en temps ! Il m'a expliqué ce que je sais déjà, la possibilité du lambeau mais qu'il ne se prononcera pas tant que je n'aurai pas eu la chirurgie du 14 décembre. Il a pris des photos de mon nez...car quand il me reverra, il ne s'en souviendra pas !

Faut que je passe des tests de pré-admission la semaine prochaine en vu de l'anesthésie générale. Bien contente d'être endormie, j'aime autant pas avoir connaissance de toute la patente.

Alors je dois passer les tests de pré-admission à l'hôpital Notre-Dame la semaine du 3 décembre, serai opérée à l'hôpital général Juif le 14 décembre et aurai la reconstruction faciale à l'hôpital Hôtel Dieu le 17 décembre à 6h30 du matin. Vivement le nouveau CHUM !!! Me semble que ça a pas d'allure de se promener entre 3 hôpitaux pour un même bobo !

À travers ma journée de chnoutte, il y a mon chum qui me tient la main, mes chums au bout de l'autre main... et je me promène entre le désespoir et l'espoir dans une même demi-heure...
Côtoyer l'extrême, le parcourir d'un bout à l'autre... vivre des moments touchants et me sentir porté et supporté...

Ahhhh pis j'vous mets une photo pas rapport...mon Bobby, mon p'tit poilu, juste à le regarder ça rend de bonne humeur ! Vive la zoothérapie !